Prochainement Dancaïre (Carmen) à l'Opéra Comique, Matthieu Walendzik baryton de la promotion GO 23-24 revient sur son parcours ses aspirations et ses différents projets.
Peux-tu te présenter, et présenter ton parcours artistique ?
Je suis né à Paris de parents polonais. Même si aucun membre de ma famille n'était musicien professionnel, la musique a toujours été présente à la maison: mes parents écoutaient souvent Chopin (en alternance avec les Beatles), et ma grand-mère paternelle est la chanteuse amatrice la plus dévouée que je connaisse, pas une fête de famille ne se passait sans quelle ne l'honore de son chant. Après l'éveil musical puis des classes de piano et d'orgue au Conservatoire du Centre et du 5e arrondissement de Paris, je suis entré à 11 ans à la Maîtrise Notre-Dame de Paris. Cest là que j'ai eu mes premiers émois musicaux. Après le chœur d'enfants, puis le jeune ensemble, c'est dans le cursus du chœur d'adultes de cette école que j'ai vraiment appris le métier de chanteur. En une décennie, j'y ai pris goût aux différentes facettes de la voix, allant de la monodie grégorienne et des premières polyphonies de l'École de Notre-Dame à la création contemporaine, en passant par les répertoires de la Renaissance et baroque. Ensuite, j'ai intégré le Conservatoire National Supérieur de Paris, qui a été un excellent complément. Quel bonheur d'avoir pu être accompagné par tant de pédagogues passionnés et inspirants. Parallèlement, j'ai rejoint la compagnie lyrique Opéra Fuoco qui ma donné la chance de monter sur scène dans des rôles auxquels un jeune chanteur ne peut que rêver: le Comte Almaviva dans Les Noces de Figaro (que nous avons également enregistrées pendant le confinement sous la forme dune série-opéra imaginée par David Stern: Figaro in the City), Marcello dans La Bohème, Pangloss dans Candide, Russel Paxton dans Lady in the Dark Cétait une vraie plus-value de ma formation au Conservatoire. Diplômé en 2022, je continue à me former à la prestigieuse Chapelle musicale Reine Elisabeth en Belgique, sous l'œil (et l'oreille) experts de José van Dam et Sophie Koch.
Comment as-tu pris le chemin de l'opéra et de la musique en général ?
J'ai commencé la pratique musicale vers l'âge de 4 ou 5 ans, mais c'est vraiment en primaire que ma fascination pour l'opéra a commencé. Ma mère qui donnait à l'époque des cours de français aux expatriés polonais vivant à Paris, a appris par hasard qu'une de ses élèves, Aleksandra Zamojska, était chanteuse d'opéra, et donnait justement un spectacle jeune public autour des opéras de Mozart au Théâtre des Champs-Élysées. En guise de remerciements celle-ci lui offrit deux places pour voir le spectacle, dans lequel elle chantait tous les plus beaux passages (la Reine de la Nuit, Suzanne). L'enfant hyperactif que jétais s'est retrouvé totalement envoûté. A partir de ce moment, je savais que d'une manière ou d'une autre je voulais faire ma vie dans la musique, et jusqu'à présent cette envie ne m'a encore jamais quitté.
Quel est ton premier souvenir d'Opéra?
Mozart un jour, Mozart toujours Ce devait être ma première fois à l'Opéra Bastille lors de la création de la célèbre mise en scène de Don Giovanni par Michael Haneke en 2006. J'avais 10 ans. Aleksandra, qui est devenue une amie par la suite chantait Zerline. Évidemment, je ne pouvais pas comprendre toute la cruauté de l'intrigue, même si sa représentation sur scène était sans équivoque. Je comprends mieux aujourd'hui l'effroi qu'il y avait à l'époque dans les yeux des gens qui me demandaient ce que je voulais faire plus tard et que je leur répondais "je veux être Don Giovanni" (sic).
Peux-tu revenir sur une production marquante / un moment fort dans ton parcours?
Il y en a eu tellement ! Je citerais tout de même la création des Vêpres à la Vierge de Philippe Hersant, immense oratorio écrit spécialement pour la cathédrale Notre-Dame, ses différents chœurs et ses deux orgues. Quand la musique et le lieu qui la fait vibrer entrent en résonnance, il y a une dimension particulière qui naît, une transcendance. A Notre-Dame également, ma première Passion selon Saint-Matthieu de Bach en solo, non seulement parce que c'est un chef-d'œuvre incontournable qui fait du bien, mais aussi parce que c'était la dernière fois que de la musique avait été jouée en concert dans la cathédrale, quelques jours seulement avant l'incendie du 15 avril 2019. A chaque fois que j'ai été amené à la rechanter, j'ai eu limage de cette soirée, où le c(h)œur de tous s'est mis à battre à l'unisson en direction de l'Ile de la Cité.
Plus récemment, la rencontre avec William Christie qui m'a donné la chance de faire partie de son Jardin des Voix, avec lequel nous avons tourné pendant une saison entière le très bel opéra Partenope de Haendel. Sa générosité a inspiré des générations d'artistes et a permis de redonner vie à tout un répertoire qui était resté muet pendant plusieurs siècles.
Quel serait le rôle de tes rêves dans les prochaines années ?
La question est difficile, on ne rêve que de ce qu'on connaît, or le répertoire est sans fin. Bien sûr il y a les incontournables: Guglielmo, Papageno, je suis curieux aussi de voir comment a pu évoluer mon Conte. Il y a bien quelques rôles que je voudrais explorer sur scène: Pelléas, Mercutio, et pour le baroque, pourquoi pas Orfeo, mais je me laisse aussi le plaisir de la découverte.
Peux-tu nous parler de tes prochains projets ?
Je viens juste de commencer les répétitions de Carmen de Bizet à l'Opéra-Comique, lieu de sa création, dans une nouvelle mise en scène d'Andreas Homoki. J'y chante le Dancaïre, chef des contrebandiers. Cest très excitant de participer à une nouvelle lecture de ce monument de la culture française (spectacles du 24 avril au 4 mai).
Par ailleurs, je suis intéressé par la découverte de répertoires oubliés, aussi j'ai pu enregistrer Les Génies, très bel opéra baroque de Mademoiselle Duval avec l'ensemble Il Caravaggio. Le disque à paraître prochainement pour le label Versailles Spectacles promet une belle découverte. Dans le même registre, j'ai travaillé dans le cadre de mon master au CNSDMP à la découverte d'Antonia Bembo, compositrice vénitienne qui était au service de Louis XIV. Son opéra Ercole amante n'a jamais été rejoué depuis sa création en 1736 et mériterait une mise en lumière.
Quelles sont tes dernières découvertes culturelles ?
J'aime beaucoup l'œuvre poétique de François Cheng que jai redécouverte récemment qui me touche beaucoup. Dans un autre registre, je découvre avec bonheur les films de Miyazaki que je ne connaissais pas.
ll te tient à cœur de faire découvrir le répertoire lyrique polonais, peux-tu nous dire quelques mots d'éventuels projets autour de ce répertoire?
Bien qu'ayant toujours vécu en France, je me sens très proche de la culture polonaise qui me vient de mes parents. Il y a beaucoup de très belle musique qui mériterait d'être mieux connue du grand public, citons les mélodies de Moniuszko, Karłowicz, mais aussi de la célèbre pianiste Maria Szymanowska, ou encore les opéras de Paderewski, Szymanowski. Ce qui m'intéresse cest que beaucoup de ces artistes ont eu un lien très fort avec la France, certains y ont vécu. Un programme de récital faisant le pont entre répertoires français et polonais, montrant leurs influences mutuelles reste un de mes projets.