Contre-ténor de la promotion GO 23-24, Léopold travaille avec de nombreux ensembles, entre baroque et création contemporaine, découvrez sans plus tarder son parcours et ses aspirations !
Peux-tu te présenter, et présenter ton parcours artistique ?
J’ai grandi à Paris et ai intégré enfant les petits-chanteurs de Saint-Louis, une chorale ouverte sur un large répertoire qui m’a permis de découvrir la joie de chanter à plusieurs. On a eu la chance unique de voyager partout dans le monde et de travailler avec des personnes particulièrement inspirantes qui nous ont transmis un bagage musical et humain fondateur. Parralèlement au chant j’ai également appris la flûte traversière et l’orgue. À 19 ans j’ai intégré la Maîtrise de Notre-Dame, institution qui a le mérite, non sans contrastes, de permettre aux jeunes chanteurs de se confronter au métier qui les attends.
Je suis contre-ténor, plutôt mezzo-soprano. Cette tessiture permet de travailler des rôles très contrastés, grâce au vaste répertoire qu’elle a la chance de couvrir, baroque et contemporain notamment. Chaque époque donne un panel de personnages très divers : beaucoup de héros comme d’antagonistes très marqués, sans oublier les rôles d'enfants. Je n’ai pas choisi cette voix par attachement particulier à l’époque baroque, j’écoutais beaucoup plus de répertoire romantique quand la question de la tessiture s’est posée. C’est elle qui est venue le plus facilement, probablement comme une prolongation de ce que j’avais pu expérimenter de la voix en tant qu’enfant.
Comment as-tu pris le chemin de l’opéra et de la musique en général ?
Après la maitrise de Notre-Dame, j’ai ensuite rencontré ma professeure actuelle, Sophie Hervé, qui depuis 8 ans sait me guider techniquement et musicalement de manière complète ; elle m’a réellement permis de construire les outils et donné l’envie de faire ce métier. J’ai passé durant ces années plusieurs concours, auditions, et les projets sont venus pas à pas. Une grande partie de ma formation est venue ensuite des personnes avec qui j’ai ensuite pu travailler. Si l’opéra est l’une des structures dans lesquelles j’aime particulièrement travailler, j’essaie de diversifier au mieux mes collaborations artistiques en travaillant avec de nombreux ensembles, et en cherchant à m’ouvrir au répertoire le plus vaste possible. L’action culturelle est également un point particulièrement important dans mon approche du métier.
Quel est ton premier souvenir d'opéra ?
Je crois que le premier opéra qui m’ait vraiment marqué était la production de Didon et Enée à l’Opéra Comique en 2008. William Christie dirigeait et la mise en scène était de Deborah Warner. Didon et Enée est l’opéra que je conseille en premier aux personnes cherchant à se familiariser avec l’opéra, c’est d’ailleurs encore un de mes opéras préférés et le rôle de l’Enchanteresse est l’un de mes préférés ! Il y a tout dans cet opéra : amour, magie et mort, et ceci présenté de manière extrêmement fine et condensée. La musique de Purcell trouve un équilibre saisissant entre richesse et accessibilité. C’est vraiment une œuvre unique.
Peux-tu revenir sur une production marquante / un moment fort dans ton parcours?
Le rôle d’Ottone dans l’Incoronazione di Poppea de Monterverdi que j’ai pu expérimenter avec l’Académie de l’Opéra de Paris en 2022 a vraiment été une expérience majeure. D’une part, le travail avec le Poème Harmonique a été d’une grande richesse, les choix musicaux de Vincent Dumestre et Elisabeth Geiger ayant permis une restitution de l’œuvre pensée pour mettre les qualités de chaque chanteur en évidence. Le travail d’acteur avec le metteur en scène Alain Françon a été également particulièrement moteur, notamment par son exigence à trouver la justesse précise du texte et de la gestuelle, orientée particulièrement sur l’évidence de l’émergence de l’instant present. Ce travail m’a particulièrement aidé à continuer à tendre vers la plus grande simplicité sur scène et par ce biais, à être capable de jouer avec le plus de contrastes possibles.
Quel serait le rôle de tes rêves dans les prochaines années ?
Bien que peu joué, le rôle de Farnace dans Mitridate Re di Ponto de Mozart est probablement le rôle que j’aimerai pouvoir faire sur scène. De manière plus générale, j’ai attendu de consolider au mieux ma technique pour aborder les rôles de mezzos de Mozart. Je travaille actuellement sur Cherubino, Idamante et Ramiro.
Peux-tu nous parler de tes prochains projets ?
J’ai la chance d’avoir un printemps rempli de très beaux concerts, avec beaucoup de travail d’ensemble et en solo et avec des chefs que j’apprécie particulièrement : Leonardo Garcia Alarcon, Christophe Rousset, Joël Suhubiette...Le 24 avril, je ferai à Saint-Maxime-la-Sainte-Baume la première d’un nouveau récital avec l’ensemble Stravaganza sur les héros handéliens de l'ombre, figures inconstantes souvent perdues à mi-chemin entre lumière et obscurité. Le 1er juin je rejoindrai les chanteurs de l’Atelier lyrique de Tourcoing pour un concert d’ensemble de solistes sur le Te Deum de Zelenka et le Magnificat de Bach, dirigé par Alexis Kossenko.
Quelles sont tes dernières découvertes culturelles ?
J’essaie de rester le plus curieux possible, je crois qu’une passion est avant tout actualisée par les personnes que l’on côtoie et par l’envie de découvrir toujours plus de nouveaux domaines. Ce qui me semble fondamental c’est un certain attrait pour le contraste et tout ce qui nous semble à priori suffisamment loin de nous pour nous surprendre. Beaucoup de musique, de cinéma, de danse et le plus possible d’échanges avec des personnes différentes sur des sujets divers !
Tu as récemment interprété un rôle clés dans une création contemporaine, peux-tu nous parler de ce projet en quelques mots, et nous dire ce que représente pour toi de participer à une création ?
J’ai pu créer mon premier rôle dans la création d’un opéra : Truth is a four letter word (la vérité est un mot en quatre lettres). La musique est de Fred Frith, un musicien malheureusement peu connu en France mais qui a eu une importance fondamentale sur la scène jazz et rock aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le livret de Julie Gilbert reprend le mythe de Narcisse dans un futur proche où l’ère de la post-vérité connaîtrait son apogée. «Narcis» a créé un metaverse proposant aux humains de se couper de la réalité pour vivre leurs rêves. C’est un mélange entre Matrix et le monde que proposent actuellement des figures comme Musk, Zuckerberg...Le projet était absolument génial, constitué d’une équipe particulièrement chaleureuse et cherchant au mieux à porter ce projet ambitieux et singulier. La création contemporaine est l’un des aspects qui me tient le plus à coeur de défendre dans mon métier, les rapports les équipes sont souvent uniques, permettent des échanges d’une grande qualité avec les compositeurs et libretistes. Je pense notamment que la création contemporaine est l’une des meilleures réponses à la crise que traverse l’opéra aujourd’hui ! On a une génération absolument fantastique de compositrices et de compositeurs qui ne demande qu’à faire vivre l’opéra s’emparant de façon très inspirante des enjeux de notre société !