INTERVIEW Camille Chopin, Soprano - promotion GO 25/26

Soprano membre de la promotion GO 25-26, Camille Chopin obtient un master du Conservatoire National Supérieur de Paris en 2024, elle rejoint ensuite l'académie de l'Opéra-Comique et fait ses débuts dans Pulcinella de Stravinsky et Samson de Rameau avec l’Ensemble Pygmalion. Alors qu'elle sera sur la scène de l'Opéra de Paris en mai prochain dans Suor Angelica, découvrez son parcours, ses aspirations et projets du moment.

photo portrait Camille Chopin

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours artistique ?

Je suis soprano, j’ai 28 ans. J’ai étudié le chant lyrique au conservatoire du 5e arrondissement en parallèle d’études littéraires puis au Departement Superieur pour Jeunes chanteurs du CRR de Paris et enfin au CNSMDP où j’ai obtenu mon Master en 2024. J’ai passé un an à l’Academie de l’Opera Comique en 2023-2024, j’y ai fait mes débuts dans Pulcinella de Stravinsky et Samson de Rameau avec l’Ensemble Pygmalion. J’ai commencé à chanter avec le choeur Pygmalion avant que l’on me confie également des rôles solistes.

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Comment avez-vous pris le chemin de l’opéra et de la musique en général ? 

Mes parents ne sont pas musiciens professionnels mais ma mère joue du violoncelle et mon père du piano de manière instinctive. Nous écoutions beaucoup de musique à la maison, de tous styles. J’ai commencé la musique par la flûte à bec car ma grand mère en jouait, je suis allée jusqu’au Certificat au CRR de Paris. J’y ai découvert le plaisir de la musique de chambre, et toute la richesse du répertoire baroque. Mais comme je suis aussi passionnée de théâtre et de littérature, le rapport au texte me manquait beaucoup. J’ai chanté et joué très tôt sur scène grâce au Choeur d’enfants Sotto Voce dans lequel je suis restée de mes 8 ans à mes 15 ans, c’est donc naturellement que j’ai choisi de me consacrer au chant lyrique en intégrant le conservatoire du 5e arrondissement à 16 ans. J’ai quand même poursuivi des études littéraires en hypokhâgne et khâgne au lycée Fenelon puis obtenu une Licence de Lettres et Arts à Paris VII, mais je savais déjà que je voulais faire un métier en lien avec la scène. 

Quel est votre premier souvenir d’opéra ?

Le Dvd des Noces de Figaro de Mozart dirigé par Gardiner au Théâtre du Châtelet : on le regardait en boucle quand on était petites avec ma soeur, on connaissait tout par coeur ! Je me souviens que je rêvais déjà de chanter Suzanne. 

Les noces de Figaro - Théâtre du Châtelet

Pouvez-vous revenir sur un moment musical marquant ? un concert, une production en particulier ? 

Je suis allée voir Elektra de Strauss à l’Opera Bastille dans la mise en scène de Robert Carsen, j’étais arrivée tout juste à l’heure car je sortais de répétition, j’étais fatiguée, préoccupée, et je n’avais jamais entendu cet opera, à l’époque j’écoutais surtout de la musique baroque et classique. Des les premières minutes, j’étais en larmes, submergée par une émotion inexplicable. J’ai été saisie par la densité sonore de l’orchestre, les couleurs, et la puissance des voix à laquelle je n’étais pas habituée.

En tant que chanteuse, j’ai ressenti quelque chose d’extrêmement fort en chantant le choral de la Saint Mathieu de Bach « Befiehl du deine Wege » sous la direction d’Emmanuelle Haïm à la cérémonie d’enterrement d’un de ses professeurs du conservatoire. J’ai été tellement émue par ce choral que cette émotion a duré encore plusieurs heures après être rentrée chez moi. Cela a réveillé quelque chose de très profond en moi, qui m’a confortée dans ma vocation de musicienne. 

Qu’est-ce qui vous plait dans l'opéra ?

J’aime la grande diversité des arts qui y sont représentés, les différents corps de métiers qui se rencontrent sur scène et en coulisse. C’est extrêmement riche aussi pour le public qui peut être touché de plein de manières différentes. Ce que j’adore aussi dans l’opera c’est l’alliance du texte et du jeu avec une extrême rigueur technique  : on doit faire oublier la difficulté de notre préparation pour transmettre au mieux les émotions du personnage. Il y a quelque chose de vraiment unique dans la voix lyrique car plus elle est libre plus elle entre en vibration avec nous, par sympathie. La voix est le produit de notre travail mais aussi de notre vécu, et tout cela se transmet sur scène.

Quel est selon vous le rôle d’un artiste lyrique dans notre société actuelle ?  

Je me pose souvent cette question. Je pense qu’on a besoin de beauté plus que jamais, d’espoir, de grands récits. Je trouve que l’opera nous permet de faire l’expérience de forces plus grandes que nous, de ressentir une émotion comparable à la contemplation d’un paysage ou la lecture d’un poème. Plus qu’une évasion, c’est la possibilité d’une reconnexion avec soi-même et avec le monde.

Pulcinella - Oépra Comique

Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?

Je fais partie de la promotion 2025-26 du Jardin des Voix, qui prévoit une tournée internationale en 2025-2026, et je débute à l’Opera de Paris dans Suor Angelica de Puccini en mai 2025. Je chanterai également au Festival Pulsations dans la Passion grecque de Martinu, et au festival de Beaune dans Il primo omicido de Scarlatti. Je forme un duo depuis plusieurs années avec la pianiste Heloïse Bertrand Oleari, nous serons en concert au festival Radio France Montpellier Occitanie le 15 juillet 2025. Nous allons enregistrer un album ensemble avec le label Initiale, « La mer est bleue », autour de mélodies de Marguerite Canal, Albert Roussel et Nadia Boulanger.

Avez-vous un répertoire de prédilection ? un rôle que tu rêves d’interpréter ? 

J’adore les opéras de Mozart, Rossini, Donizetti, mais aussi l’opéra français en général car j’aime chanter dans ma langue maternelle. J’ai plusieurs rêves en tête, je pense à Lucia di Lamermoor qui est un rôle passionnant à la fois vocalement et scéniquement.

Quelles sont vos dernières découvertes culturelles ? un film, un livre, un artiste à nous partager ?

J’ai vu récemment la série Adolescence, entièrement tournée en plan séquence. Le sujet est très actuel et le jeu des acteurs impressionnant. J’ai adoré le recueil de poétesses constitué et illustré par Diglee « Je serai le feu », dans lequel j’ai découvert notamment la poétesse russe Anna AkhmatovaUne de mes dernières lectures marquantes a été « Le bonheur avec Spinoza - L'Ethique reformulée pour notre temps» de Bruno Giuliani : j’ai trouvé que c’était une bonne manière de mieux comprendre la pensée de ce philosophe, il s’en dégage beaucoup de joie et une manière de se rapporter au vivant qui me parle beaucoup. 


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